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La douleur, c’est comme être ado, ça rend con !

Quand on est douloureux, parfois on ne raisonne plus comme avant, on oublie nos habitudes saines, et nos stratégies pour s’en sortir. Du coup, on pourrait dire que parfois la douleur ça rend con !

Je pourrais tout aussi bien écrire : la douleur c'est comme de retomber en adolescence ! On redevient con

  • à ne pas vouloir écouter ni suivre les bons conseils,
  • à vouloir tester par soi-même, y compris les stratégies malsaines,
  • à vouloir tester le soutien des autres.

Etre buté sur une stratégie inefficace

En voici un exemple me concernant indirectement. Eh oui, en effet il est toujours plus difficile d’accepter que soi-même on est con… mais c’est plus facile à identifier chez l’autre. 😅

Mon compagnon s’est fait mal en bas du dos en fixant des étagères basses dans le dressing.

Trois mois plus tard, on en parle encore. Il a l’impression que quelque chose « n’est pas à sa place », et il commence à réduire ses activités sportives de peur de s’esquinter plus.

La douleur est maintenant non plus uniquement au niveau du bas du dos, haut de la fesse, mais descend dans la jambe, et son mollet est contracté.

A l’agonie (vous connaissez cette maladie de l’homme, celle où il va mourir tellement c’est gênant 😉), il m’appelle pour me raconter sa journée. J’ai l’impression qu’il joue une scène de théâtre, comme s’il avait préparé son texte en ajoutant des emphases. J’ai l’impression qu’il se complaît dans la plainte. En tous cas, c’est le moment où j’explose ! Eh oui, j’ai beau avoir de l’empathie, parfois ça explose 💣

Voici alors mon ultimatum :

  • soit il se prend en main et va chercher de l’aide vu que sa stratégie personnelle n’a pas aidé jusqu’à présent,
  • soit je refuse de l’écouter une fois de plus me parler de son dos !!!
ouleur qui rend con - ABC Douleur - Etre buté sur une stratégie inefficace
Mais lequel des deux 🤔 est le plus buté ?
Photo by Vidar Nordli-Mathisen on Unsplash

La croyance défi "Si je ne sais pas pourquoi, je n'irai pas mieux"

Trois semaines après avoir consulté un médecin et un kiné, l’évolution est progressive et positive. Il a toujours mal, mais moins en crise, parfois même plus rien ponctuellement. Il a quelques exercices à reproduire qui apaisent l’étalement de la douleur.

De mon point de vue, ses stratégies semblent effectivement s’améliorer :

  • il ne me parle plus de son dos pour s’en plaindre mais pour m’expliquer comment ça évolue,
  • il reproduit efficacement les exercices quand il a mal,
  • voire les renouvelle plusieurs fois dans la journée pour que ça avance plus vite,
  • il a identifié 2-3 activités aggravantes pour son dos, et a trouvé des adaptations qu’il veut temporaires,
  • il teste parfois un geste ou un mouvement qui était déclenchant pour vérifier son état.

MAIS (je fais exprès de l’écrire en grand, parce que c’est un grand « mais ») il tourne en boucle autour d’une question qu’il me réserve 🎁 (et ne pose surtout pas à sa kiné…) :

« Pourquoi j’ai encore mal ? Ça m’énerve je ne comprends pas ! »

Ainsi, tout en percevant le fondement de la question, je ne comprends pas comment ce gars, qui est capable de raisonner sur un arbre des causes d’un accident de travail (avec influences et causes multiples), semble chercher la réponse unique à sa douleur... 🤔

En définitive, c'est comme de perdre du temps à se demander pourquoi l'autre a fait ci ou ça dans une rupture amoureuse. Ça fait parfois perdre de l'énergie dans un questionnement stérile.

Stratégies saines face à la douleur

Avec bienveillance, j’essaie alors de lui donner les différents éléments pour l’aider dans son raisonnement et l’amener à résoudre seul la question :

  • je lui explique la modélisation physiologique utilisée par sa kiné dans les techniques qu’elle lui propose,
  • je lui redonne le pouvoir en soulignant qu’une modélisation n’est qu’un cadre de raisonnement, mais que c’est lui qui va ou non confirmer la pertinence de cette modélisation chez lui,
  • on se met d’accord sur le fait que dans le « pourquoi » c’est une modélisation et non pas une origine exacte qu’il cherche. En effet, perdre de l’énergie à décortiquer pourquoi il en est là n’est pas sa priorité, il veut un cadre de réflexion qui lui permette de donner du sens à l’évolution de sa douleur.

Dans la semaine qui a suivi, il a pleinement saisi son pouvoir de choix et d’autonomie.

En se baissant en torsion pour ramasser un objet au sol, il a senti un claquement dans le bas du dos et s’est dit que ça lui faisait du bien. Du coup il a alors précautionneusement mobilisé son bas du dos par des torsions des jambes en étant allongé.

Il a pris le temps au fil de jours de re-tester ponctuellement les mouvements aggravants, qui l’étaient de moins en moins. Il s’est rendu compte que les exercices de la kiné n’étaient plus aussi pertinents et ne les a re-testés que ponctuellement. Et il a spontanément réessayé des activités initialement aggravantes à petite dose pour tester l’évolution.

En bref, il avait retrouvé de belles capacités de résolution de problèmes et de recherche de stratégies adaptées :

  • écoute de ses sensations et intuitions,
  • mise en œuvre autonome de stratégies de soulagement avec exposition graduelle vers un niveau d’activités quotidiennes plus classique,
  • suivi des conseils des tiers avec modulation raisonnée selon son ressenti.

La question qui subsiste est de savoir si cette attitude sera conservée à long terme et même en cas de récidive douloureuse, et si elle sera transposable à d’autres problématiques… 😉

Les articles et nouvelles d'ABC Douleur

Quel lien entre la douleur et être ado ? Pour le thérapeute :

Accepter que le raisonnement soit impacté par l'expérience douloureuse est un premier point. A partir de là, vous pouvez avoir un objectif d'accompagner le patient à retrouver ses stratégies adaptées, à résoudre au moins en partie la situation de façon autonome.

J'aime aussi rediscuter avec le patient de sa quête de compréhension. En tant que professionnel de santé, nous avons tendance à foncer sur l'explication neurophysiologique (de façon butée parfois 😳) en pensant répondre à l'attente du patient. Cependant, souvent l'attente du patient est d'avoir une structure de raisonnement qui permette de donner du sens à la douleur vécue. Une fois ce point établi et comblé, l'énergie peut être déployée dans les techniques de traitement que vous proposerez.

Quel lien entre douleur et être ado ? Pour le particulier :

Je suis sûre que vous ne vous reconnaissez pas dans l'histoire ci-dessus 😉 ou pas à cet extrême ! Mais pourriez-vous répondre honnêtement à cette question : mettez-vous en oeuvre tout ce qui est raisonnablement possible pour votre santé aujourd'hui ?

Par exemple, dormez-vous correctement ? Prêtez-vous attention à votre alimentation ? Avez-vous certaines habitudes qui vous pénalisent d'un point de vue santé ? Ou, à l'inverse, voyez-vous des actions possibles pour améliorer votre hygiène de vie ?

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2 réponses à “La douleur, c’est comme être ado, ça rend con !”

  1. Certains points de cet article vous parlent ou vous touchent ?

    N’hésitez pas à partager vos réflexions et vos expériences en commentaire.

  2. Bonjour Marie,

    Cet article est remarquable… et vous êtes redoutable avec votre conjoint (je plaisante).
    Marie, nous les hommes ne sommes pas que du muscle, nous avons une sensibilité, aussi ;).
    La similitude avec la vie de couple est extraordinaire de précision : j’argumente en ressortant les termes qui, dans ma pratique d’Etiomedecine, me sautent aux yeux.

    Questions : 1- Dans quel état d’esprit était votre compagnon pour la construction de cette armoire ?
    2- Avez-vous eu une prise de pouvoir sur lui pour le lui imposer?

    Les faits : a) « il se fait mal »… habituellement accompagné d’un juron donc d’une colère.
    b) « il ne fait plus rien de PEUR de s’esquinter plus »
    c) « Ça m’énerve, je ne comprends pas »… sous-entendu que cela ne guérisse pas. (re colère)
    d) vous dites ensuite « je lui redonne le pouvoir ».

    Donc ce brave homme est passé de perte de pouvoir à reprise de pouvoir.
    Il passe ensuite du confort d’être plaint au blocage de l’intellectualisation (Ça m’énerve, je ne comprends pas) puis à SA mise en mouvement pour l’acceptation de SES émotions donc sa guérison.

    Moralité de l’histoire : Attention, le montage d’un meuble peut entrainer la séparation d’un couple…

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