la solution miracle face à la douleur ? Blog ABC Douleur

Comment faire face à la douleur ?

Je vous révèle dans cet article comment faire, à tous les coups, face à la douleur.

Juste avant l’été, j’ai été interpellée 4 fois sur cette question.

  • Un étudiant kiné en 2e année qui me demandait comment faire quand on ne sait pas quoi proposer au patient.
  • des professionnels de santé qui m’ont demandé pourquoi telle technique ne fonctionnait pas face à tel patient.
  • ou encore un particulier qui m’expliquait avoir tout essayé et ne pas imaginer qu’il puisse exister une autre porte de sortie par rapport à ses douleurs persistantes.

Pour le professionnel de santé, les questions sont souvent tournées autour de : quelle est la technique à adopter, comment puis-je optimiser ma technique, mon protocole ? Parfois elle démontre un raisonnement clinique plus large : ai-je oublié quelque chose dans mon bilan clinique, suis-je passé à côté d’un point qui modifierait ma décision et proposition thérapeutique ?

Pour le particulier qui vit des douleurs ou qui pense à un proche qui les vit, les questions sont souvent posées avec désespoir : je ne sais plus/pas quoi faire, qui peut m’aider, quel traitement va éliminer ces douleurs ?

Pas de temps à perdre à essayer de comprendre !?

On peut aussi m’expliquer quelques fois qu’on ne comprend pas la douleur. Mais souvent il est rare de savoir qu’on ne sait pas, quand justement on ne sait pas qu’une explication existe. Si je reformule : on ne peut pas imaginer qu’on ne sait pas quelque chose, puisque justement on n’est pas conscient que cette connaissance nous manque.

Vouloir trouver tout de suite une solution pour réduire la douleur sans la comprendre, c’est comme de vouloir soigner un mal de ventre sans comprendre d’où il vient !

Est-ce qu’on a mal au ventre parce qu’on a faim,

parce qu’on est constipé,

ou encore à cause d’une intoxication alimentaire ou d’un gros stress ?

L’approche ne sera pas la même pour l’apaiser !!

Face à une autre douleur, c’est pareil : il est important d’identifier les facteurs ou mécanismes probables.

Comment se caractérise cette douleur ? Qu’est-ce qui la déclenche ou l’apaise ? Comment fluctue-t-elle ? À quels mécanismes contributifs fait-elle penser ?

Cela nécessite d’avoir une sorte de dictionnaire pour interpréter les symptômes : « tiens, tels et tels signes cliniques font penser à l’implication de tel tissu ou de tel mécanisme physiologique ».

Seulement une fois qu’on a posé une hypothèse de mécanisme, on peut identifier des approches et techniques thérapeutiques pour la soigner.

Comprendre pour le professionnel de santé

Donc clairement pour le professionnel de santé, comprendre comment fonctionne la douleur c’est la base. Il faut connaître les différences entre la douleur tissulaire aiguë et la douleur chronique entravante, ou encore la douleur qui persiste alors qu’aucun tissu, ni explication biophysiologique ne semblent impliqués.

Et une fois qu’on a ce bagage théorique, la solution tient quasi toujours dans notre posture, dans notre façon d’être. Les techniques, les outils, les approches seront secondairement un moyen qui ne sera activé positivement que si notre attitude le permet.

Comprendre pour le particulier touché par la douleur

Pour le particulier, l’important est de s’informer et/ou d’être accompagné de professionnels de santé qui savent vous expliquer, vous impliquer et vous guider pour faire les bons choix.

Comprendre ça veut déjà dire avoir moins peur, voire avoir moins mal. On comprend comment notre physiologie fonctionne. On identifie ce qui peut déclencher nos douleurs, et donc ce qui, de l'autre côté de la balance, peut les apaiser.

Comprendre c'est aussi savoir quel comportement adopter pour aider notre physiologie à apprivoiser cette douleur. Et surtout éviter les comportements qui ne font qu'alimenter et amplifier nos douleurs.

Comprendre c'est la première étape pour reprendre la main !

Pour aller un peu plus loin – notre posture de soignant

Comprendre le fonctionnement de la douleur est la première étape. Ensuite tout tient dans notre posture pour aider notre interlocuteur à intégrer ces nouveaux concepts.

Imaginons un enfant que j’aide à faire ses devoirs. Mes techniques sont de répéter le cours, de lui (ré)-expliquer si nécessaire, de lui faire reformuler au travers des exercices du cours. Mes objectifs sont qu’il comprenne, qu’il apprenne, qu’il sache refaire. Et selon mon attitude je peux totalement aller à l’encontre et pénaliser son apprentissage.

En effet si, au lieu de l’encourager sur le positif, je le rabroue à chaque erreur, je le démotive.

Si je l’aide trop « attends, je vais te le faire, tu n’y arrives pas » en pensant faire bien (voire en me plaignant de tout ce temps que ça me prend d’être un bon parent, parce que quand même cet enfant est lent…), j’ai potentiellement un impact délétère sur le long terme. Il en viendra potentiellement à intégrer qu’il n’est bon à rien et qu’il n’arrivera jamais à rien tout seul.

Si je pars avec l’idée que ça va être long et pénible, mon implication sera teintée de cette croyance et influencera négativement l’enfant.

Si je fais les exercices à sa place (au choix : pour que ça aille plus vite, pour me prouver que je sais les faire, pour lui prouver que je sais, pour l’aider à comprendre…), je lui retire la chance de pouvoir se tromper dans un milieu sécurisant où nous aurions ensemble repris les erreurs. Je lui transmets inconsciemment le fait qu’il n’a pas le droit de se tromper, qu’il faut toujours qu’il trouve juste, que se tromper n’apporte rien… Je ne lui transmets pas le goût d’oser, ni la chance des erreurs qui font évoluer.

Alors face à la question, quelle technique dois-je utiliser ?

La réponse est : que cherchez-vous à susciter chez l’autre ? Avant même le choix de technique, votre posture répond-elle à cet objectif ? Comment pourriez-vous impliquer votre interlocuteur vers un cheminement thérapeutique commun ? Seulement dans un second temps, au vu des éléments de votre bilan clinique et des connaissances théoriques, vous pourrez ensemble décider de l’approche la plus pertinente.

Face à la question, que faire quand je ne sais pas quoi proposer ?

La réponse est : d’après vos connaissances théoriques (sur le fonctionnement de la douleur, sur le raisonnement clinique, sur l’éventuelle pathologie diagnostiquée…) quels axes sont à privilégier dans vos soins ?

Il se peut aussi que la présentation clinique du patient fasse ressortir des éléments à traiter qui ne sont pas dans votre champ de compétence, il est professionnel alors de référer, totalement ou en complément de vos soins.

Comme un chirurgien qui dit à un patient qu’au vu des indications de l’opération, sa présentation clinique ne semble pas nécessiter de chirurgie, dire qu’on ne sait pas est le plus beau cadeau pour une personne qui vit des douleurs chroniques. Cela ouvrira l’opportunité pour elle d’explorer autrement et de ne pas perdre de temps supplémentaire dans une approche ineffective.


Il ne s'agit pas de "refiler la patate chaude" (comme certains patients ont pu me partager leur ressenti), mais de façon professionnelle, d'identifier les axes les plus pertinents de prise en charge pour les caractéristiques cliniques et le vécu douloureux de cette personne.

Dire qu'on ne sait pas faire quand on est rééducateur, c'est quasi une aberration. En effet face à la douleur qui persiste, il y a toujours des aspects physiques à travailler. Ne pas savoir aborder la douleur chronique plurifactorielle, ça serait comme face à un mal de ventre, de ne savoir que manger (ou proposer de manger à un patient). La solution "facile, rapide et qui fonctionne à tous les coups", c'est un leurre. Ne pas évoluer, c'est faire l'autruche ! La solution : accepter de rentrer dans un processus de formation et apprentissage.

Les grandes étapes de ce cheminement sont de :

  • connaître et comprendre la plurifactorialité de la douleur, particulièrement la douleur chronique
  • intégrer cette plurifactorialité dans nos bilans et prises en charge
  • accepter l'interfactorialité de la douleur, accepter que tout s'entremêle
  • intégrer cette vision complexe dans nos postures, nos accompagnements, nos vies... pour aussi voir la vie autrement !

Pour aller un peu plus loin – notre positionnement de particulier touché de douleur

Nous avons grandi avec cette idée que les autres prendraient toujours soin de nous, parfois même sans que nous ayons à exprimer nos besoins.

Dès l’école, nous avons été conditionnés à penser que les autres savaient plus que nous et allaient nous donner les réponses. On nous a demandé de rester sagement assis à écouter pour apprendre. Comment alors, aujourd'hui, comprendre que les autres n'ont pas la réponse à nos douleurs !?!

Nous avons appris à raisonner et à laisser plus de place (parfois toute la place) à notre mental, pour dompter nos envies.

Notre civilisation a placé la quasi-totalité de ses espoirs dans la science et la médecine, en oubliant l'humain qui vit en chacun de nous au sein d'un monde plus vaste.

Mais ces principes sont faux ! Face à la douleur, vous seul.e avez la réponse !

Vous pouvez bien sûr demander conseil, obtenir un avis, être accompagné. Mais vous seul pouvez faire vos choix en fonction de ce qui est bon pour vous.

Mais qu’est-ce qui est bon pour moi ? Souvent notre éducation, notre société nous ont conditionnés à perdre cette perception, parfois proche de l’intuition.

A nous, à vous de retrouver cette capacité. Qu’est-ce qui me plait ? Qu’est-ce qui me fait du bien ? Quelle décision prendre ?

Un chemin de récupération

Vous pouvez aussi creuser dans les indices pour collaborer au mieux à ce cheminement thérapeutique : comment évolue votre douleur ? Quels sont les déclencheurs ? Qu'est-ce qui vous apaise ? Comment réagissez-vous quand elle part en crise ? Que faites-vous quand elle s'estompe ? Pour vous, à quoi est-elle liée ? Que ressentez-vous quand elle est présente ? Comment décririez-vous ces sensations ?

Des questions qui parfois ne sont pas si évidentes, et que vous pourrez aussi creuser avec un professionnel de santé formé.

Acceptez ainsi que tous les professionnels de santé n'auront pas l'ouverture ni la capacité à explorer aussi largement avec vous cette expérience de douleur.

Il vous semblerait tellement plus simple d'avoir un médicament-miracle qui règle le problème une fois pour toutes ?! De la même façon, il semble pour certains soignants plus rassurant et plus abordable de se concentrer sur des techniques thérapeutiques à action rapide, mais qui bien sûr ne seront pas adaptées à tout type de douleur !

Comment faire, à tous les coups, face à la douleur ?

Peut-être attendiez-vous que je réponde de façon ferme et définitive à cette question « comment faire, à tous les coups, face à la douleur ? ». Vous vouliez trouver ici les révélations qui rendraient tout plus simple, rapidement.

Peut-être croyez-vous qu’il puisse exister une approche qui marche à tous les coups, voire que vous soyez détenteur d’une telle approche ?

Ma vision est que la douleur ne nous appartient pas en tant que soignant. La douleur, pour moi, est une expérience de vie, une épreuve, qui pousse la personne touchée à évoluer. Je vois mon rôle de professionnelle de santé à être un guide qui amènera cette personne à identifier ce qui est adapté pour elle, à mettre en œuvre ces nouvelles compréhensions et comportements, à la soutenir dans ces étapes de transformation.

Pour moi, être soignant et croire qu’il existe UNE solution face à la douleur, c’est conserver une posture qui entretient la chronicité.

Alors, oui, il est déstabilisant de ne pas savoir à l’avance. Oui, il est dérangeant, voire angoissant, de ne pas garder la main dans la décision thérapeutique et de coconstruire avec le patient. Oui, cela nous amène à accepter nos propres vulnérabilités. Cela nous pousse dans nos retranchements, à aller voir nos peurs les plus profondes, à travailler sur nous-mêmes pour ne pas parasiter nos propositions de prise en charge avec nos propres blessures.

Le chemin est ouvert et il est tellement enrichissant. Je suis enchantée de vous y retrouver à chaque occasion. Et je vous remercie de m’offrir ici cette possibilité de vous montrer à quoi il ressemble depuis chez moi.

4 réponses à “Comment faire face à la douleur ?”

  1. Merci Nicolas pour ton retour !

    Je bosse pas mal en ce moment sur ces prises de conscience préalables au changement de paradigme sur la douleur (et donc à une prise en charge plus adaptée).

    A suivre…

    Marie

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